Une chronique de Syndex (cabinet d'expertises) pour comprendre et agir

Publié le par Section Syndicale CFDT Valeo Isle d'Abeau

Edito

Le « travail » est absent des restructurations. Le détour par le CHSCT doit avoir pour objectif de rendre lisible l'argumentaire économique et organisationnel du projet de restructuration, et le contenu des mesures du PSE, sous l'angle du travail, de ses conditions de réalisation et de ses effets sur la santé et la sécurité des salariés. Cette note d'information, rédigée par l'équipe CHSCT de Syndex, expose le rôle que peut jouer, selon nous, le CHSCT dans le cadre d'une restructuration et les conditions dans lesquelles peut parfois intervenir l'expert CHSCT à sa demande. Avant la nomination de l'expert, un premier contact doit être établi entre les élus du CHSCT, de préférence accompagnés d'élus du comité d'entreprise, et les experts CHSCT afin d'évaluer l'opportunité d'une intervention de l'expert et, le cas échéant, définir son contenu.

Jean-Louis Vayssière

Chroniques de la prévention

Conjuguer travail, santé et expertise

Restructurations : Que peut faire le CHSCT ?

Une information spécifique est adaptée

Le plus souvent, les informations remises au comité d'entreprise, et a fortiori au CHSCT, ne suffisent pour avoir une vision précise du projet et de ses incidences sur les conditions de travail des salariés qui restent en poste après restructuration. Cela peut donner lieu à une action du CHSCT, d'une part pour être consulté sur le projet de réorganisation, d'autre part pour obtenir des documents spécifiques et adaptés, différents de ceux remis au CE, afin qu'il puisse émettre un avis « éclairé ».

Quatre objectifs à une approche par le travail des restructurations

Deux premiers objectifs, aider à la négociation et prendre date à moyen terme, peuvent être atteints à l'aide d'une expertise sur projet important ou par l'action spécifique des membres du CHSCT, à la demande du comité d'entreprise ou par auto-saisine directe. Le troisième objectif consiste à traiter les dysfonctionnements une fois la restructuration conduite. Le quatrième vise à prendre en compte, durant le temps de mise en œuvre du PSE, la situation de santé des salariés licenciés.

Aider à la négociation du PSE à court terme

Les salariés qui restent en activité après PSE doivent pouvoir peser sur leurs futures conditions de travail, en instruisant notamment la question de l'effectif cible prévu, des conditions de sa réaffectation le cas échéant, et de son adéquation avec l'activité restante et ses exigences.

L'expertise ne permettra pas de quantifier précisément un nombre de salariés nécessaires. En revanche, elle pourra montrer les risques, du point de vue des conditions de travail et de la santé, de la suppression de tel poste ou de telle fonction dans l'organisation nouvelle. Elle pourra en  conséquence recommander de maintenir tel poste, d'étoffer telle ou telle fonction... Les questions de la charge de travail (physique et mentale), notamment des charges transférées sur d'autres salariés, de leur éventuel accroissement, des risques de densification et d'intensification du travail, de perte de savoir-faire et de savoir de prudence par défaut de transmission sont centrales dans cette approche.

Prendre date à moyen terme

Il s'agit de mettre en évidence des points d'alerte et de vigilance, insérés dans le plan de prévention, qui aideront le CHSCT à veiller aux conditions de mise en œuvre de la restructuration.

Traiter les dysfonctionnements une fois la restructuration conduite

Nous raisonnons ici essentiellement sur les conditions de travail des salariés qui restent après la mise en œuvre du PSE. La mise en évidence, en situation réelle et stabilisée, de conditions de travail dégradées ou de risques sécurité peut activer la réembauche de salariés licenciés prioritaires. Conduite dans un délai rapproché, l'intervention d'un expert agréé peut alors mettre en évidence les situations de tension résultant de la réduction des ressources (suppression de poste ou de fonctions) nécessaires à la réalisation du travail. Il convient que, dès le début de la procédure de PSE, le CHSCT intègre cette dimension dans ses travaux (par exemple à travers un accord de méthode qui peut faire partie d'un chapitre "conditions de travail et organisation" dans le cadre de la commission de suivi du PSE). Si cela n'est pas possible, le CHSCT devra argumenter sur l'accroissement de risques existants ou l'apparition de nouveaux risques à l'issue de la mise en œuvre stabilisée du PSE.

Suivre la situation de santé des salariés licenciés

Le CHSCT veillera également à ce que le PSE intègre un suivi de la santé des salariés licenciés. Cela ne relève pas d'une expertise proprement dite, mais il peut être utile que le PSE prévoit que soit appréciée la situation de santé des salariés licenciés (reconstitution de carrière, durée et intensité d'exposition aux facteurs de risques physiques et psychiques...) et les conditions de  l'accompagnement psychologique de la période de licenciement.

Cette préoccupation peut être portée au sein de la commission de suivi, en relation avec la cellule de reclassement et la médecine du travail.

Cadrage juridique

Dans le cadre d'une procédure de consultation sur un projet de licenciement économique, le comité d'entreprise, s'il s'estime insuffisamment informé sur des questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, peut refuser de rendre son avis tant que le CHSCT n'a pas été consulté (cass. Sociale 25-6-2003). Si l'employeur ne procède pas à la consultation du CHSCT, le CE peut demander en justice (référé) la suspension de la mesure. Le CE peut confier au CHSCT le soin de procéder à des études dans son domaine de compétence (L2323-28). Le CHSCT doit être consulté dans le cadre des articles L.4612-8 et L.4612-10 sur tout projet important modifiant les conditions de travail et tout plan d'adaptation établi dans le cadre de mutations technologiques importantes et rapides. Le CHSCT peut recourir dans le cadre d'une telle consultation à un expert agréé sur projet important prévu à l'article L.4614-12, L.4614-13 et L4614-18. Enfin, le juge peut suspendre une réorganisation pour des motifs de santé et de sécurité (arrêt Snecma, Cass. Soc. 5/03/2008).

Questions et angles d'attaque pour une prise en compte du travail dans les restructurations

1. Exiger des documents spécifiques qui déclinent sous l'angle des conditions de travail, de la santé et de la sécurité le projet présenté au CE. Par exemple, la remise de plans de réaménagement de locaux suite au PSE, l'évaluation quantitative de l'activité des salariés, la localisation des postes de travail restants. Autre exemple, la mise à jour du Document unique de prévention des risques professionnels au regard du PSE et l'actualisation du PAPRIPACT (Programme annuel de préventions des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail). Ces documents, et d'autres encore, doivent permettre de voir le niveau d'anticipation et de traitement des futures conditions de travail. Demander communication d'informations précises.

2. Elles doivent porter sur :

-les changements attendus dans la vie professionnelle des salariés ;

-l'organisation du travail : horaires, contenu des tâches, répartition du travail, communication, formation, etc. ;

-les modalités et plan de redéploiement des effectifs en relation avec des éléments de réévaluation de la charge de travail ;

-les espaces de travail : dimensions, implantation, ambiances lumineuses, thermiques, sonores... ;

-l'environnement : circulation dans les espaces de travail réaménagés ;

- les moyens de travail mis à disposition des salariés ;

- la prise en compte dans le PSE des problèmes de santé et sécurité non encore résolus dans la situation antérieure...

3. Solliciter sur ce projet l'avis du médecin du travail, de l'inspecteur de la CRAM et de l'inspecteur du travail.

4. Demander à être informé du projet et de sa déclinaison, ainsi que de ses effets sur la santé, la sécurité et les conditions de vie au travail et hors travail.

5. Indiquer que le CHSCT se réserve le droit de faire appel à un expert agréé si les informations communiquées ne lui paraissent pas complètes, sincères et pertinentes, et/ou si, quelle que soit la qualité de ces informations, la complexité des questions posées lui parait nécessiter des compétences et une expertise dont il ne dispose pas.

6. Prendre contact avec l'avocat pour commencer à instruire les positions du CHSCT dans une stratégie construite qui prenne en compte à la fois le fond et la forme de l'action des représentants du personnel.

7. Prendre contact avec l'expert CHSCT afin d'évaluer l'opportunité d'une intervention et, le cas échéant, définir son contenu.

Publié dans cfdt-valeo-ida

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